Paul Verlaine (1884): Antaño y hogaño
“Arte poética”
Prefiere la música a toda otra cosa,
persigue la sílaba impar, imprecisa,
más ágil y más soluble en la brisa,
que –libre de lastre– ni pesa ni posa.
Que vuestra palabra tenga un indeciso
y equívoco paso, si lo decidís.
Nada más hermoso que la canción gris,
donde lo indeciso se une a lo preciso.
Detrás de los velos, las miradas bellas.
En el mediodía, una luz que oscila.
Un cielo de otoño templado perfila
un confuso azul de claras estrellas.
Matiz, claroscuro, veladura sola.
Nada de color. Sólo los matices.
El matiz compone parejas felices
entre sueño y sueño, entre flauta y viola.
Aleja de ti la punta asesina,
la gracia cruel y el rictus de hielo,
que harían llorar los ojos del cielo
con todo ese ajo de mala cocina.
Coge la retórica y amordázala.
Sujeta la rima, y dale sentido
a esa carambola de vano sonido,
que, si la dejamos, ¿hasta dónde irá?
¡Ah, la sinrazón de la pobre rima!
¿Qué párvulo sordo, qué negro mochales,
nos forjó esa joya de cuatro reales
que suena a oropel hueco con la lima?
La música siempre, y en tono menor.
Que tu verso sea fugaz y suave,
sutil y ligero, como vuelo de ave
que busca otros cielos y otro nuevo amor.
Que tu verso sea la buena ventura
esparcida al aire de la madrugada,
que huele a tomillo y a menta granada…
Todo lo demás es literatura.
Traducción de Esteban Torre.
Paul Verlaine (1884): Jadis et Naguère
“Art poétique”
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise:
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.
C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles!
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la couleur, rien que la nuance!
Oh! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor!
Fuis de plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine!
Prends l’éloquence et tords-lui son cou!
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où?
O qui dira les torts de la Rime?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime?
De la musique encore et toujours!
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.