jueves, 2 de mayo de 2019

“LI – El gato”

Charles Baudelaire (1857): Las flores del mal

“LI – El gato”

I

En mi pensamiento se pasea,
como en su apartamento un bello gato.
Encantador y fuerte.
Y dulce. Su maullido apenas se percibe,

tan tierno su timbre, tan discreto;
esté apacible o gruña,
su voz es siempre espléndida y profunda.
Es ese su encanto y su secreto.

Esa voz perlada que se filtra
en mis concavidades tenebrosas,
como innúmero verso me complace,
como droga que estimula la alegría.

Adormece todas las crueldades,
el éxtasis en ella se aposenta;
y para volverse inteligible
prescinde de palabras.

No. No sé de otro cordófono,
instrumento perfecto,
que de mi corazón pueda realmente
tensar su más vibrante cuerda,

que esa tu voz, oh misterioso gato,
gato seráfico,
extraño,
tan sutil y armonioso como un ángel. 

II

De su pelaje blondo y bruno
brota un perfume tan dulce, que una noche,
y tan sólo una vez, bastó tocarlo
para quedarme impregnado de su bálsamo.

Espíritu hogareño,
él juzga, inspira, manda
todas las cosas que su imperio conforman.
¿Es él un dios? ¿Acaso un duende?

Cuando mis ojos, hacia el amado gato
van, como a una piedra imántica,
hacia mí se regresan dócilmente,
y me miro a mí mismo,

y con asombro,
compruebo el fuego de sus pupilas pálidas
y en la mirada fija,
vivientes ópalos, translúcidos fanales.

Versión en francés

“LI – Le chat”

I

Dans ma cervelle se promène,
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine,

Tant son timbre est tendre et discret;
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C'est là son charme et son secret.

Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fonds le plus ténébreux,
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.

Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases;
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.

Non, il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde,

Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux!

II

De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu'une.

C'est l'esprit familier du lieu;
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire;
Peut-être est-il fée, est-il dieu?

Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement. 

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